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OKA.MAG numéro 20

( participation de Solidarité Guyane )


Au delà de la langue : une culture et des hommes

La langue maternelle, amérindienne ou bushi-nengué, est pour les populations un facteur de cohésion sociale, de refuge et une affirmation identitaire face à une occidentalisation ethnocide.

Le système éducatif proposé, essentiellement issu du modèle métropolitain (tant sur le plan des structures que du fonctionnement), ne tient aucunement compte de la réalité du contexte social et culturel propre à la Guyane et à sa diversité ethnique.

La France, contrairement aux pays voisins de la Guyane (où la Constitution et le cadre législatif traite la situation pluriethnique et plurilingue), continue de délivrer un enseignement en faisant abstraction de la langue maternelle des enfants, et fait des écoles du fleuve des lieux permanents d'expérimentations inachevées malgré quelques lois et circulaires ouvertes sur les langues régionales mais non appliquées.

Il en résulte que l'école, au lieu d'être un vecteur d'intégration, est devenue un instrument de marginalisation où le taux d'échec conduit à la non insertion dans la société et plus grave au rejet du milieu familial consécutif au non apprentissage (suite à l'éloignement pendant la scolarité post-primaire) des moyens traditionnels d'autosuffisance permettant de fonder et faire vivre sa famille au sein du village.

Témoignage Wayana recueilli dans un village du Litani :

" Le système éducatif est également problématique. Les élèves oublient plus la tradition qu'avant car ils doivent aller à l'école plus longtemps. C'est un bien qu'ils y aillent car nous avons besoin de gens qui apprennent le français, qui comprennent l'autre monde, le décryptent pour ne pas prendre tout le côté négatif de la société occidentale. Mais il faut aussi penser à plus tard quand ils reviendront au village, s'ils le veulent. Il faudra leur offrir la possibilité de travailler. …

Je suis l'un des rares à avoir continué jusqu'au lycée. J'ai eu la chance d'avoir des gens autour de moi qui m'ont aidé pour avoir la tranquillité d'esprit nécessaire, pour ne pas trop m'imprégner de l'Occident. Mais le retour a été difficile. Sans travail, j'ai eu du mal à me positionner dans la vie du village car les gens avaient pris l'habitude de ne plus me voir. Je ne pouvais pas m'imposer car ceux de mon âge qui étaient restés avaient pris de l'avance dans la tradition. Ils savaient par exemple mieux pêcher et chasser que moi. Je ne pouvais pas non plus aller vers les anciens car pour être respecté il faut un certain statut social. Le retour du lycée est difficile, oui, très difficile "

A cela s'ajoute l'instabilité des équipes pédagogiques et les conditions précaires inadmissibles dans lesquelles les enseignants exercent dans 'les écoles du fleuve'.

Les initiatives de certains enseignants, soucieux de prendre en compte la langue maternelle des enfants dans leur enseignement ont été prolongées par la mise en place de Médiateurs bilingues dans quelques écoles. Les Médiateurs bilingues, issus des villages contribuent, d'une part à préserver le lien entre le système éducatif et la tradition et d'autre part ont permis une meilleure prise en compte :

- de l'évolution naturelle des enfants dans leur culture,

- de la langue et des structures de pensée propres à leur culture.

Témoignage Wayana recueilli en septembre auprès d'un médiateur du Haut-Maroni :

" J'apprends aux petits notre langue maternelle. C'est mieux qu'ils apprennent d'abord le Wayana afin de leur expliquer notre grammaire par rapport à la grammaire française. Je fais des cours de vocabulaire. Je fais même des cours de maths en Wayana parce qu'ils n'arrivaient pas à comprendre le moins et le plus. Je leur apprends aussi les vieux contes Wayana. … Je travaille avec un groupe d'enfants en Wayana pendant que l'instit travaille avec un autre groupe. … Je m'inquiète vraiment pour l'avenir de nos emplois. J'en ai discuté avec la directrice et l'inspecteur. Pourquoi recruter des jeunes, les former et puis les laisser tomber ? Il m'a dit que c'était la loi".

La mise en place des Médiateurs bilingues (ou culturels) a été la plus importante avancée pour essayer de rompre le cercle de l'échec scolaire et a permis à des jeunes des villages d'introduire leur culture dans l'école. Les enfants, en s'appuyant sur leurs racines, s'ouvre mieux au monde extérieur plutôt qu'en subissant la greffe d'un système éducatif étranger à leur culture.

L'arrêt des Médiateurs bilingues serait une régression inacceptable et indigne de la collectivité publique. Cela condamnerait les enfants à rester en marge du système éducatif et leur interdirait tout espoir de pouvoir prendre en charge leur devenir.

Tous les enfants du territoire français ont droit à l'égalité de chance, sinon cela s'appelle de la discrimination.


"Le chemin entre l'indifférence et le mépris n'est pas bien long,

il est le même entre le mépris et le racisme"

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