Compte-rendu
synthétique de la Conférence de presse de la
délégation guyanaise au Senat
dans le cadre du
Grenelle de l'environnement
et de son entretien
avec la Secrétaire d'Etat à
l'Ecologie
le 23 octobre
La
Délégation Guyane se dit satisfaite de
l'échange avec Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET
Mais attend
que le Gouvernement agisse concrètement et
rapidement
La Varenne
Saint Hilaire, le 24 octobre - Suite à la
conférence de presse organisée au Sénat
le 23 octobre au matin, la Délégation Guyane a
été reçue le jour-même à
20H30 par Madame KOSCIUSKO-MORIZET et trois de ses
conseillers - Jean-Michel LINOIS, Patrick VAUTERIN et
Alexandra LORIN. Alors qu'elle avait simultanément
une réunion de préparation du Grenelle avec Mr
Borloo et malgré son agenda chargé, la
Ministre a souhaité maintenir cette rencontre qui a
duré vingt minutes avec elle et 1h15 avec ses
collaborateurs. Jérémie DERAVIN de
l'Association Coeur de Forêt a présenté
les membres de la Délégation à la
Ministre. Chacun a exposé les problèmes que
rencontre la Guyane aujourd'hui et sur lesquels le
Gouvernement doit agir rapidement.
Akaïwapwin
APINA Amérindienne Wayana représentant le gran
man Wayana Amaïpoti Twenké
Akaïwapwin
APINA a décrit le cauchemar de son quotidien : elle a
notamment mis le doigt sur le problème de la
sécurité auquel les Wayanas sont
confrontés. En effet, ces derniers jours des
échanges de tirs ont eu lieu entre des indiens et des
orpailleurs illégaux brésiliens à
proximité village de Kayodé dans la partie sud
sur Parc amazonien de Guyane. « Les indiens Wayanas
sont obligés de faire la police eux-mêmes et de
défendre leurs maisons contre le viol territorial
perpétré par les orpailleurs ». Elle a
rappelé à la Ministre que « ça
n'est pas aux Amérindiens de faire la police sur le
territoire français ». Elle a également
évoqué le problème de l'absence de
service public (accès à l'eau,
l'électricité, aux soins..). « Les
enseignants ont quitté le village suite aux coups de
feu&, après 11 ans nous sommes obligés
d'envoyer nos enfants à Maripasoula à trois
heures de pirogues dans des familles d'accueil
Bushinengué. Les Bushinengués ne sont pas de
notre culture et nos enfants se sentent perdus et
déracinés culturellement ».
Akaïwapwin APINA a évoqué avec
émotion des problèmes plus graves encore :
« les jeunes se suicident, il n'ont plus d'espoir.
Le rythme des suicides est de 1 par mois la situation est
très grave et nous sommes venus vous voir pour
demander de l'aide ».
Brigitte
WYNGAARDE - Association Villages de Guyane
Brigitte
WYNGAARDE a expliqué à la Ministre que
plusieurs problématiques avaient cours sur le Parc
Amazonien de Guyane : l'espace de vie des Amérindiens
qui se situent en dehors de la « zone
coeur » du Parc hautement
réglementé n'est pas protégé
contre l'orpaillage. De l'orpaillage a donc lieu sur un Parc
supposé être un modèle de
développement durable et qui - de par son statut -
devrait être hautement protégé.
« Le Parc amazonien de Guyane est un
contre-exemple de ce qu'il faut faire en matière de
développement durable ... l'orpaillage n'a rien
à faire sur un Parc national ». Par
ailleurs a-t-elle dit à la Ministre,
« l'avis des populations amérindiennes
qui vivent sur le Parc n'a pas été pris en
comptes lors de l'enquête publique... ces gens se
sentent exclus et sous la menace des orpailleurs qui
saccagent leurs espaces de vie et la
biodiversité ».
Jean-Pierre
HAVARD - Responsable de l'association Solidarité
Guyane
Jean-Pierre
HAVARD a expliqué à la Ministre la situation
d'intoxication des populations Wayana au mercure. «
Beaucoup trop d'enfants ont des taux de mercure
jusqu'à 2 à 2.5 fois supérieurs au
seuil maximum de l'OMS avec des
séquelles irréversibles sur le
système nerveux, sur le développement
cérébral, sur la vision... La situation
sanitaire est catastrophique. Nous avons à faire
à un empoisonnement généralisé
de la communauté Wayana et la situation s'aggrave
dramatiquement, le niveau d'urgence est total ». Pour
enrayer l'orpaillage illégal des propositions ont
été faites.
Philippe
MENARD Porte Parole des Verts-Guyane, Coordinateur du
Collectif "Non au projet IamGold à
Kaw"
Philippe
MENARD - (représentant 33 organisations
guyanaises)- a signifié à la Ministre
que le projet IAMGOLD/CAMBIOR est une « horreur
écologique » (reprenant en cela les
propres termes de Mr Balland, inspecteur du ministère
de l'Environnement) qui n'est pas en phase avec la
volonté du Gouvernement de faire de la Guyane
« un pôle d'excellence ».
Il évoque la falsification des documents lors de
l'enquête publique avec une étude d'impact
tronquée et des cartes erronées. Il
précise que les élus du Conseil
Régional de Guyane ont voté à
l'unanimité contre ce projet (avec remise de la
motion à Mme la Ministre). Il fait aussi
référence au désastre écologique
perpétré par IAMGOLD au Mali.
Aloys
LIGAULT - Association Sherpa
Aloys LIGAULT
a souligné que l'ensemble des problèmes
soulevés trouvent leur origine dans le déficit
de gouvernance de l'administration en Guyane. Il a
expliqué que la diffusion de l'information
environnementale fait défaut et ne permet pas
à la société civile de jouer pleinement
son rôle en Guyane. L'ébauche d'une discussion
constructive s'est à ce propos engagé avec
Monsieur Jean-Michel LINOIS Conseiller diplomatique de
Madame KOSCIUSKO-MORIZET.
Jérémie
DERAVIN, Association Coeur de Forêt
Jérémie
DERAVIN a rappelé que la Guyane et en particulier la
zone du marais de Kaw est un sanctuaire de
biodiversité exceptionnelle « La
biodiversité guyanaise recèle en effet un
véritable trésor : 5500 espèces
végétales, 700 espèces d'oiseaux, 177
espèces de mammifères, 430 espèces de
poissons et 109 espèces d'amphibiens dont certaines
en voie de disparition&ce serait un drame que le projet
IAMGOLD/CAMBIOR soit maintenu&ce serait l'arrêt de
mort de la nature et des populations
forestières&phénomène qui a
déjà pris une ampleur catastrophique et qu'il
faut enrayer d'urgence ».
Réactions
du Ministre et de ses conseillers
La Ministre a
manifesté la volonté de venir en Guyane
prochainement pour prendre la mesure des
problématiques locales et pouvoir par la suite
engager un plan d'action adapté à la situation
tout en précisant que toutes les doléances
entendues (des Wayana et des populations autochtones)
n'étaient pas de son ressort mais qu'elle s'en fera
l'écho auprès des autres ministères.
Une date devrait être communiquée aux membres
de la délégation pour la réalisation de
ce voyage ministériel. Après 20 minutes
d'entretien, Madame KOSCIUSKO-MORIZET a été
obligée de nous laisser aux mains de ses
conseillers.
Comme lors de
la conférence de presse, la Délégation
Guyane à présenté ses demandes et a
sommé le Gouvernement d'agir rapidement. Les
conseillers de Madame KOSCIUSKO-MORIZET ont manifesté
un vif intérêt pour ces demandes et ont
assuré la Délégation Guyane de leur
soutien - notamment pour engager un travail de fond
inter-Ministères pour apporter la solution la plus
adaptées aux problématiques
énoncées.
Mardi 23
octobre à 11h, une conférence de presse
forte en
émotions et en demandes faites au
Gouvernement
Le
Sénat a accueilli le 23 octobre la
Délégation amérindienne venue
directement de Guyane pour porter au Gouvernement son cahier
de doléances. Le public a manifesté un vif
intérêt pour les problématiques
soulevées puisque une cinquantaine de personnes et de
journalistes avaient fait le déplacement.
Akaïwapwin APINA jeune
Amérindienne Wayana
La conférence de presse a
été marquée par une vive émotion
ressentie par tout l'auditoire - particulièrement
lors de la prise de parole (en Wayana) de Akaïwapwin
APINA, jeune Amérindienne Wayana venue pour raconter
le quotidien de cette ethnie qui subit de façon
frontale et violente l'intrusion des orpailleurs
illégaux du Brésil. Akaïwapwin APINA a
dressé un tableau apocalyptique de la situation
vécue par son Peuple : suicide en masse,
naissance d'enfants malformés, intoxication lourde au
mercure due à l'ingestion de poissons infectés
(principale source de protéine des
Amérindiens), drogue, alcoolisme et prostitution
importées par le Brésil, absence
d'accès au service public (eau,
électricité, soins&).
Brigitte
WYNGAARDE, Amérindienne Arawak et de l'Association
Villages de Guyane a permis de comprendre les
enjeux forts de la cause Amérindienne en
Guyane : problème du foncier, de la
non-représentation dans les Institutions, de la non
reconnaissance des spécificités culturelles
des peuples autochtones de Guyane, problème de la
gouvernance française « qui prend les
décisions d'en haut sans se soucier des
réalités vécues par les habitants de la
Guyane » argument qui prend toute son ampleur
lorsqu'elle évoque le Parc amazonien de Guyane
« qui ne correspond pas aux revendications des
Amérindiens vivant sur le Parc ».
Jean-Pierre
HAVARD, de l'association Solidarité Guyane, a
dressé un tableau géopolitique de la zone du
Haut-Maroni : Ethnies Amérindiennes
présentes sur le territoire, existence de
filières mafieuses qui contrôlent la production
de l'or et les réseaux d'approvisionnement en
matériel qui alimentent les orpailleurs
illégaux, état des lieux sur l'intoxication de
plus en plus prégnante des populations
amérindiennes vivant aux abords des fleuves. Il a
insisté sur l'urgence de venir en aide à ces
populations qui se sentent « en situation de
désespérance avec l'impression d'avoir
été oubliés par la
France ».
William
BOURDON et Alois LIGAULT de l'association Sherpa ont
interpellé le gouvernement français sur
« l'écart entre la législation et
les pratiques de terrain » notamment
concernant le code minier et les pratiques d'extraction de
l'or. Ils ont également pointé le
problème de « manque de transparence des
institutions lorsque les associations demandes des documents
d'étude d'impact sur les projets
miniers » révélant là
aussi le gap existant entre le discours des exploitants et
la mise en oeuvre concrète des engagements
environnementaux.
Philippe
MENARD, spécialiste du projet CAMBIOR /
IAMGOLD a apporté un témoignage
saisissant sur « l'Horreur
écologique » que représente ce
projet - terminologie employée par Pierre Balland
inspecteur responsable de l'enquête publique sur le
projet qui a récemment pris la parole sur le sujet
sur RFO (interview complète de Mr Balland sur).
Voici un extrait de cette interview
Que vous
inspire le projet de mine d'or de la montagne de Kaw ?
« Pour
moi, c'est toujours une horreur écologique. D'abord
à cause du site : c'est un sanctuaire
écologique. C'est le dernier endroit de Guyane
où il faut avoir un projet minier. La montagne de Kaw
est le premier relief du littoral guyanais qui arrête
les vents océaniques, les alizés. C'est la
forêt tropicale humide qui a échappé aux
glaciations il y a des milliers
d'années. »
En
conclusion de la conférence de presse,
Akaïwapwin APINA a pris la parole
« Si
nous ne faisons rien aujourd'hui, dans 5 ans la Guyane
offrira le visage suivant : l'ensemble des fleuves et
des eco-systèmes aquatiques auront été
pollués et détruit - et ce pour des
décennies.
La
biodiversité, la faune et la flore auront
été saccagées sans que l'on ait eu le
temps de les étudier (nous connaissons à peine
1% des plantes de la forêt...c'est comme si nous
avions découvert un manuscrit contenant des secrets
fondamentaux pour l'humanité et que nous le jetions
au feu sans même l'avoir ouvert).
Nous aurons
perdu l'intégralité des savoirs traditionnels
et chamaniques, c'est-à-dire la globalité du
patrimoine culturel des peuples autochtones de Guyane. Nous
aurons réalisé un véritable ethnocide
des cultures amérindiennes.
Et nous
aurons commis ce crime irréparable contre
l'humanité pour le seul intérêt de
quelques multinationales / pour le seul intérêt
des orpailleurs / pour le seul intérêt de
quelques notables corrompus...
La France
et l'Europe ont aujourd'hui les moyens d'éviter
l'irréparable...
La France
et l'Europe ont aujourd'hui les moyens de sauver le
trésor de biodiversité que représentent
la Guyane et sa culture ancestrale.
Nous sommes
venus jusqu'à vous pour lancer un cri d'alerte. La
France ne pourra pas dire qu'elle ne savait
pas. »
Coeur
de Forêt - Association pour le maintien de la
Biodiversité
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