"QUE
NOTRE ORGANISATION SOCIALE
SOIT RECONNUE"
Les élus de Guyane le savent, le
gouvernement le sait, les Amérindiens ne se
reconnaissent pas dans leur projet sur l'avenir de la
Guyane. Comment pourrions-nous agréer ce mauvais
accord qui fait l'impasse sur ce que nous avons de plus
cher, notre terre collective, nos villages et nos
communautés? Nous savons ce que nous coûtent
nos silences passés : c'est subir depuis bien
longtemps dans notre pays la loi des autres, si
étrangère à nos aspirations et si
menaçante pour notre avenir. Aujourd'hui, nous
exigeons que notre organisation sociale soit reconnue et
inscrite dans les statuts de la Guyane, quelle soit
respectée et préservée.
Les élus de la Guyane ont bien
souvent évoqué la souffrance qu'il y a de voir
son identité ignorée par la loi. Mais la
prochaine loi sera la leur. Elle décidera de la place
qu'il y aura, entre tous les peuples de la Guyane, pour la
confiance mutuelle, ou au contraire pour l'amertume et le
ressentiment.
Je souhaite à tous les gens de
Guyane, à tous les villages, à toutes
communautés de Guyane, un heureux avenir.
Déclaration commune des chefs coutumiers
des villages - Novembre
Yanou-Bellevue, Degrad Savane, Organabo,
Prospérité, Paddock, Balaté,
Espérance
En proposant la mise en place d'un "Conseil consultatif
des autorités coutumières", les élus du
Congrès de Guyane ont fait mine de s'acquitter de
leur responsabilité à l'égard des
Communautés amérindiennes et noirs marrons de
Guyane. Pourtant dans son principe cette institution n'a
jamais été soumise aux principaux
intéressés. Et les débats houleux dont
elle a fait récemment l'objet ne doivent tromper
personne : car en coulisse, le sort des communautés
autochtones de Guyane a déjà été
réglé.
Pendant qu'une délégation d'élus
parcourt le pays pour faire la promotion d'un statut
spécifique, au regard des "diversités
culturelles de la Guyane", certains maires ont entrepris de
faire disparaître les villages traditionnels
amérindiens, en les transformant en cités
urbaines.
Les communautés de Kourou, Balaté et Yanou,
en sont les premières victimes. Le
procédé est invariable : à ceux qui
acceptent la division des terres, le maire promet un
logement neuf au frais de l'état, sur une parcelle
clôturée. Ceux qui seront restés
fidèles à leur village et à leur
Communauté n'auront rien. Au besoin, comme à
Balaté, on s'emploie à convaincre quelques
villageois un peu faibles de remettre en cause
l'autorité coutumière et de multiplier les
querelles internes. Les villages qui résistent font
l'objet d'un chantage permanent aux services publics. Aux
petites gens, les autorités de la commune font
allusion à des aides qui pourraient bien
s'arrêter ... Déjà, à
Cécilia, Ste Rose de Lima, Balaté, les
amérindiens les plus modestes sont
définitivement exclus de l'aide au logement.
Nous avons consulté les
délibérations des Conseils municipaux de
Saint-Laurent et d'Iracoubo. Nous n'avons trouvé la
trace d'aucune réflexion ni d'aucun débat. A
chaque fois, par un vote sommaire et unanime, une
poignée d'élus remettent en cause le mode de
vie de plusieurs milliers de leurs administrés qu'ils
sont pourtant sensés représenter et
défendre. Est-ce par ignorance ou par
duplicité ?
L'avenir de nos Communautés est lié
à notre terre : libre, ouverte et collective. En
imposant avec mépris et brutalité dans nos
villages la propriété individuelle, ses bornes
et ses clôtures, les élus de Guyane mettent en
péril notre solidarité communautaire, notre
organisation sociale et notre culture.
Que penser de la loyauté de ceux qui hier
dénonçaient l'intransigeance culturelle de
l'état français et qui, à
l'intérieur de leur propre pays continuent de
pratiquer l'assimilation forcée ? Tant que l'on
refusera aux Communautés autochtones de Guyane le
droit de vivre selon leurs aspirations, le slogan de la
pluralité, que tant d'élus revendiquent
aujourd'hui, ne sera jamais rien d'autre qu'une vaste
imposture.
Nos villages sont notre histoire de toujours, notre
identité et notre culture d'aujourd'hui : ils ne
doivent pas devenir des cités urbaines. Et les
élus seraient indignes de s'entêter à
appliquer aux amérindiens la loi des anciens
maîtres de la Guyane, la loi du plus fort.
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