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ORPAILLAGE ILLEGAL : Deux associations (ASG et ONAG) ont adressé (via leur avocat) un recours de plein contentieux au Tribunal Administratif de Cayenne :
I. FAITS ET PROCEDURE 1. FAITS La Guyane française fait l'objet, depuis la divulgation en 1995, par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), de la carte des bassins aurifères de Guyane, d'un braconnage à grande échelle organisé par des orpailleurs non soucieux du respect de l'environnement et de la santé de la population locale (pièce 8). . 2. PROCEDURE Les associations SOLIDARITE GUYANE et l' ORGANISATION DES NATIONS AUTOCHTONES EN GUYANE, ont formé une réclamation indemnitaire auprès de Monsieur le Préfet de Cayenne, en date du 23 décembre, préalable à une action en responsabilité contre l'Etat français du fait de la carence fautive de l'administration. Par ce recours préalable, les requérants ont enjoint à Monsieur le Préfet de prendre les mesures nécessaires afin de faire respecter les lois et règlements s'agissant de l'activité de sociétés d'orpaillage sur le territoire guyanais. Conformément à l'article R. 421-1 du CJA, les requérants sont donc redevables à former le présent recours à l'encontre de la décision implicite de l'Administration devant le Tribunal administratif de CAYENNE. En effet, compte tenu de la gravité des atteintes à la santé des personnes et à l'environnement sur le territoire guyanais (1), l'administration n'a pris aucune mesure destinée à prévenir ces différents chefs de préjudices (2). II. DISCUSSION A titre liminaire, il est précisé, dune part, que les conditions relatives à la légalité externe sont remplies compte tenu de labsence de prises de mesures nécessaires à la protection de la santé et de lenvironnement telles que permises par la législation en vigueur (Code de lenvironnement la législation applicable, règlementation sur lactivité dorpaillage ). Dautre part, ladministration a procédé à une violation évidente du droit substantiel applicable en la matière, de sorte que les conditions relatives à la légalité sont également réunies. 1. Latteinte à la santé des personnes et à lenvironnement causée par lactivité dorpaillage en Guyane Sur les lieux litigieux, depuis des générations, diverses populations amérindiennes issues notamment des peuples WAYANA et EMERILLON cohabitent, notamment en vertu de leur droit à lautodétermination, principe du droit international permettant à ces populations de bénéficier dun droit à disposer deux-mêmes. Les témoignages recueillis lors de missions diligentées par lassociation SHERPA, du 16 mai au 22 mai, dans les villages de KAYODE, TWENKE, TALHUWEN et ANTECUME PATA, ont permis de constater la très forte intensité des dégâts de lorpaillage sur la santé des habitants et de lenvironnement. Outre limpact morphologique par la destruction des lits mineurs des cours deau, lorpaillage engendre une pollution affectant directement la qualité des eaux souterraines et fluviales.
A titre dexemple, de nombreux éléments démontrent que le village de KAYODE, situé dans le HAUT-MARONI, près des rives du TAMPOC, dans le parc amazonien de Guyane, est victime, en raison de cette activité excessive dorpaillage. La toxicité du mercure, qui a de graves conséquences sur la santé des personnes exposées et plus particulièrement chez les jeunes enfants qui y sont beaucoup plus sensibles que les adultes, nest plus à démontrer. De nombreux rapports nationaux et internationaux, attestent unanimement des dangers sanitaires provoqués par les rejets de mercure affectant directement le sol, lair et leau (pièces 2 et 4 à 6).
Outre lextrême pollution de leur environnement, les amérindiens sont aujourdhui confrontés à la violence des orpailleurs illégaux. Ils ont à de nombreuses reprises été menacés par des individus armés lourdement sur les terres mêmes de leur village. LAdministration, qui avait connaissance de cette situation, na pourtant pris aucune mesure destinée à limiter ou le cas échéant à faire cesser ces graves atteintes aux droits des personnes et à lenvironnement. 2. Labsence de mesures préventives prises par ladministration a. La carence de ladministration dans lapplication de la loi et des règlements Selon larrêté préfectoral n°1232/SG du 8 juin interdisant lutilisation du mercure pour lexploitation aurifère en Guyane (pièce 1) : « Considérant les risques de contamination des écosystèmes par le mercure en Guyane et ses conséquences sur la santé des populations et celle des travailleurs affectés à lactivité aurifère ; ( ) ARTICLE 1 : Lutilisation du mercure pour lexploitation aurifère en Guyane est interdite à compter du 1er janvier. ARTICLE 2 : le non-respect de cette prescription est sanctionné conformément aux articles 68-2, 119-1, 140 et 141 du code minier et les textes pris pour leur application. ( ) » Malgré cette interdiction du mercure, dont avaient connaissance les autorités administratives françaises aucune mesure préventive na été prise par ces dernières afin dencadrer lactivité dorpaillage et dinterdire lactivité dorpaillage illégal.
LAdministration a pourtant lobligation dagir pour que la loi et les règlements soient respectés ; il a ainsi été jugé dans larrêt « Secrétaire dEtat auprès du ministre chargé de lenvironnement et de la qualité de la vie c/ Brelivet et autres » du Conseil dEtat du 22 mars 1978 : « Le préfet, qui conserve le choix des moyens à employer pour assurer lexécution de la loi est tenu, en labsence de circonstances exceptionnelles, de prendre les mesures adéquates pour mettre fin à une situation irrégulière, en particulier dans le cas où lautorisation qui aurait dû être demandée ne serait pas susceptible dêtre légalement accordée ». En raison dune très faible implantation de la gendarmerie sur les lieux dextraction aurifère clandestine, et malgré les multiples alertes données par la société civile, lorpaillage illégal se perpétue, en toute impunité, au détriment de la santé des habitants et de lenvironnement. LAdministration pourtant alertée, à plusieurs reprises, de ces violations des lois et règlements, na jamais effectué le moindre contrôle effectif sur ces activités dorpaillage nuisibles à la population. Aujourdhui, la situation ne sest toujours pas améliorée et le délai raisonnable constitué du temps de réflexion nécessaire à lAdministration pour apprécier le choix des moyens à employer pour assurer lexécution de la loi et des règlements, est, bien évidemment, expiré, caractérisant, de ce fait une inaction fautive de lautorité publique, susceptible dengager la responsabilité de lEtat. Bien au contraire, il semblerait quen raison de labsence de mesures effectives et appropriées par ladministration française pour tenter de remédier aux dommages causés par lactivité dorpaillage à létat de santé des personnes et à lenvironnement se sont considérablement aggravés.
La biodiversité affectée, et la vie de nombreux villageois menacée, cest dans ce contexte que les associations que je représente entendent vous demander dagir aussi promptement que possible afin de remédier à ces graves troubles et dommages causés aux personnes et à lenvironnement. En effet, jusquà présent, la préfecture de CAYENNE na pas mis en uvre, comme le préconise pourtant larticle L 514-1 du Code lenvironnement, les moyens qui étaient en son pouvoir pour faire cesser les troubles résultant, notamment, des installations des orpailleurs, fonctionnant sans déclaration ni autorisation. Il est de jurisprudence constante (CAA Paris, 21 janvier 1997, commune de Saint Chéron ; TA Nancy, 5 mai 1998, Assoc. Défense env. du Centre Ornain ci min, Aménagement Territoire et Env) que lAdministration engage la responsabilité de lEtat lorsquelle sabstient de prendre les mesures propres à faire cesser les situations illégales auxquelles elle est confrontée. A titre dexemple, la responsabilité de lEtat français a été engagée du fait des dommages causés aux Pays-Bas par les rejets excessifs de chlorures des mines de potasse dAlsace, et ce en raison des prescriptions insuffisantes encadrant ces rejets (TA Strasbourg, 11 avr. , n°8822, Ville dAmsterdam et a. C/ min. Amén). Non seulement aucune mesure na été prise par ladministration pour assurer le respect de la loi et des règlements, mais ladministration a également manqué à sanctionner les comportements des entreprises dorpaillage. b. La carence de ladministration dans la sanction des infractions à la loi LAdministration na pris aucune mesure coercitive à lencontre des sociétés dorpaillage litigieuses, en raison de la violation des lois et règlements encadrant lactivité dorpaillage par ces dernières. Par ailleurs, la carence de lEtat dans lédiction de mesures destinées à assurer linformation et la protection effective des personnes, dans le cas dinstallations présentant de graves dangers pour lenvironnement et la santé des personnes, est de nature à constituer une violation de larticle 8 de la Convention européenne des droits de lhomme, et ce même en labsence de tout dommage matériel (CEDH, 27 janvier, n°67021/21, Tatar c/ Roumanie). Linaction constante de lAdministration face à ces graves nuisances dont elle avait entièrement connaissance a engendré un préjudice direct, actuel et certain sur mes clients. Ainsi, lorsque la faute de ladministration a entraîné un préjudice, ce qui est le cas dans ce dossier, notamment parce quelle a entraîné la prolongation de lexposition des tiers aux nuisances occasionnées par lactivité exercée sans autorisation, la puissance publique en doit réparation à la victime (CE 15 février 1974, min. Dév. Ind. Et scientifique c/ Arnaud : Rec. CE 1974, p.115). Compte tenu de ce qui précède, il est, en létat, difficile de quantifier les dommages humains et environnementaux résultant directement des manquements de lEtat à prendre les mesures adéquates et les requérants se réservent le droit dévaluer compte tenu notamment des expertises susceptibles dêtre diligentées - leur préjudice ultérieurement. PAR CES MOTIFS Vu larrêté n°1232/SG du 8 juin interdisant lutilisation du mercure pour lexploitation aurifère en Guyane, Vu larticle L 514-1 du Code de lenvironnement, Vu les articles 221-5, 221-6, 222-15, 223-1 et 223-6 du Code pénal, Il est demandé à la juridiction de céans de : - CONSTATER la décision implicite de refus de ladministration suite au recours préalable des plaignants reçu le 23 décembre auprès de Monsieur le Préfet de CAYENNE, - CONSTATER la carence de ladministration dans la prévention et protection contre les atteintes à la santé des personnes et à lenvironnement, - DIRE les requérants recevables dans leur demande dindemnisation et quils se réservent le droit de procéder au chiffrage ultérieurement compte tenu de la particularité des préjudices subis en se référant aux expertises à venir quils entendent solliciter, - ENJOINDRE ladministration de prendre toute mesure utile pour faire cesser les pratiques illicites, - DECLARER lEtat responsable pour faute en raison de sa carence dans la prévention et protection contre les atteintes à la santé des personnes et à lenvironnement, - CONDAMNER lEtat à payer aux requérants des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis dont le quantum sera fixé après expertise.
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