Lettre ouverte de
Brigitte Wyngaarde
(diffusée par France Guyane - 23 mars
)
" Il est difficile d'admettre que la vague des suicides
en pays amérindien, révélée
dès, n'ait à l'époque
suscité presque aucune émotion au sein du
monde politique, ni aucune action significative des pouvoirs
publics. Ces huit années perdues permettent de
mesurer la responsabilité des autorités comme
la sincérité des partis qui expriment
aujourd'hui, avec ostentation, leur compassion pour les plus
récentes victimes.
Et comment ne pas s'étonner de ces
décisions dérisoires- placer des points
d'accès Internet et des psychologues
intérimaires, construire un plateau sportif à
Camopi. A l'évidence, le préfet de Guyane n'a
pas pris la mesure du problème, qu'il traite comme
une simple question de santé publique.
Le drame qui se joue en pays indien est la
réplique d'un vieux problème de l'histoire du
monde. C'est la rencontre d'une société forte
et dominante et d'une société affaiblie et
dominée. C'est en premier lieu cette rencontre,
irrésistible et profondément inégale,
qui produit tant de désordre et de violence. Il faut
se donner les moyens d'enrayer ce drame.
Il faut stopper l'hémorragie, apprendre à
traiter les crises familiales ou amoureuses qui sont
à l'origine de tant de gestes suicidaires. Il faut
faciliter l'éloignement et la prise en charge des
personnes en détresse. Il faut créer sur place
les équipements, les services publics, susciter les
activités sociales nécessaires
Mais le secours et l'aide apportés à nos
compatriotes doivent leur épargner l'assimilation.
Ils doivent leur permettre de prendre en main leurs
sociétés et leur avenir. Acceptons
l'idée que ces sociétés et cet avenir
soient différents des nôtres : malgré le
mépris et la domination qu'ils subissent, les Wayana,
les Emerillon et les Wayampi sont encore des peuples
aujourd'hui.
L'Etat doit créer une commune à Talhuen,
et remettre aux communautés la
propriété des terres. Les autorités
doivent les aider à mettre en place une politique de
développement local à long terme, originale,
respectueuse du patrimoine traditionnel, qui renforcera les
sociétés communautaires et accompagnera
l'ouverture de leurs territoires en toute
équité. Une politique qui produira les
élites qui leur font sévèrement
défaut.
C'est à ce prix que la nécessaire rencontre
des peuples sera mutuellement profitable, et
sincèrement fraternelle."
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